C’était pourtant un matin comme les autres. Mario n’avait pas pris de poisson. Ou seulement un petit. Et en avait échappé un plus gros. L’aurore partiellement bleutée. Odeur de bacon. Chant des oiseaux. Sourires amicaux. Complices. Le ciel devait être triste de voir notre expé lentement s’approcher de la fin. Il s’est mis à pleurer à chaudes larmes alors que nous prenions le déjeuner. D’abord quelques sanglots. Puis des pleurs soutenus. Puis la crise. Il pleut des cordes, des chats et des chiens. Les tentes seront empaquetées détrempées. Les jeunes aussi. Enfin, peut-être pas empaquetés mais du moins détrempés.
Il pleut. Les canots se remplissent au fur et à mesure que nous progressons. Il nous faut écoper régulièrement. Il pleut. La constance de la pluie qui tombe n’a d’égal que la persistance de la rivière qui s’écoule. Il pleut. Elle s’écoule. On écope.
On progresse à bon train. Nous arrivons à notre station du midi en peu de temps. Le moral y est mais techniquement nous sommes en piteux état. On monte une bâche, on fait un feu. Les jeunes ont parcouru 14km sous une pluie diluvienne sans jamais broncher. Contre toute attente, ils décrètent un « High moment ». La seconde patate sera déterrée. Déchiquetée. Elle explose. Il pleut des Kit-kat, des Coffee Crisp et des Mars. Les jeunes ont des étoiles dans les yeux. Gonflés à bloc, ils souhaitent parcourir les 19 km restant dans l’après-midi. Les guides se concertent. Une décision est prise. Nous pousserons.
Il pleut. D’une pluie dégoûtante. On croise un bouleau dont le diamètre fait plus de 7 mètres. Il ne bronche pas. C’est qu’il a du en voir passer des canots en 400 ans d’existence. La pluie augmente, les jeunes crient de joie. Ils sont tenaces. Ils ont livré de plus durs combats. Il ne reste plus que 2 kilomètres. Héléna demande un rassemblement de canots. La dernière section sera parcourue en silence. Méditation nomade. Attente expectative.
Il pleut. Et surgit au loin le Domaine. Les cris fusent. Les pagaies relèvent. Plus que quelques embardées. Nous y sommes. Ils ont relevé leur défi. Ils sont neuf. Neuf nomades mistassins accomplis. Dotés d’une énergie déconcertante. Le ciel se décharge et nous faisons de même. Les chalets chauffés nous attendent. On y trouve Céline, confort et réconfort.
Au repas, les discussions fusent. L’équipe de guides se plaît à remarquer à quel point celui-ci est animé. Bien qu’il se déroule exactement au même endroit que le tout premier, ce souper s’avère à mille lieux du premier. En soirée, Corry dansera la salsa avec Céline. Trois fois plutôt qu’une. Il est vrai qu’il a une gueule de playboy notre Corry…